Portrait du réseau #45 : Jade Maron

Diplômée de Sciences Po Lille en 2020, Jade Maron vit aujourd’hui en Birmanie où elle travaille pour l’ambassade de France. En effet, après une première expérience à l’étranger dans le cadre de la mobilité de troisième année à Sciences Po, elle a, après son diplôme, souhaité repartir pour s’accomplir autant personnellement que professionnellement. 

PARLE-NOUS DE TON PARCOURS ACADEMIQUE ET PROFESSIONNEL !

Après un bac S, j’ai fait un an de prépa au concours commun des IEP. Après le concours, j’ai eu mon premier vœu, c’est-à-dire Sciences Po Lilles où j’ai fait toutes mes études. J’ai fait le master Conflits et Développement (CED), qui s’appelle maintenant Paix, Action humanitaire et Développement (PHD). J’ai construit mon parcours progressivement, je ne savais pas précisément où je voulais aller en rentrant à Sciences Po. C’est pendant mes études que j’ai compris que je voulais un job qui ait du sens et c’est comme ça que j’ai choisi le master CED. A la fin du master, j’ai réalisé mon stage de fin d’études au ministère des Affaires Etrangères (MEAE), dans la sous-direction du développement humain, rattachée à la direction du développement durable, elle-même rattachée à la direction générale de la mondialisation. Pendant six mois, j’étais dans le pôle politique de santé mondiale. Je travaillais sur les questions de santé mondiale et c’était en 2020 donc on faisait surtout le suivi de la situation Covid dans toutes les régions impactées du monde (Afrique, Asie du Sud Est principalement). Ça m’a beaucoup plu mais à l’issue de mon stage j’ai dû chercher autre chose. J’ai fait un service civique dans l’association « Solidarité sida » (l’association qui organise notamment Solidays). J’étais dans une équipe qui allait faire des actions de prévention sur le VIH/SIDA, sur les IST et comment se protéger, comment avoir une vie affective saine et épanouie, dans les lycées notamment. J’ai beaucoup appris et à plusieurs niveaux, en termes de contact humain, d’écoute, de bienveillance. C’était très formateur et à la fin de ce service civique, j’ai eu l’opportunité de retourner au MEAE dans la même sous-direction que pendant mon stage car un poste s’ouvrait puisque la France, avec le Covid, avait mis en place une politique de don de vaccins aux pays en développement. Cette expérience a encore une fois été très formatrice, d’autant plus qu’on était plutôt sous pression car le sujet était très en vue. J’ai fini ce CDD en août 2022 mais dès le printemps 2022, j’avais commencé à regarder ce que j’allais faire ensuite. Je regardais beaucoup les offres de VI (volontariat international) car j’avais très envie de repartir à l’étranger, j’avais déjà passé un an à Taiwan pendant mon année de mobilité à Sciences Po. J’ai donc postulé à une offre de VI à l’ambassade de France en Birmanie et j’ai été prise !

JUSTEMENT, QUE FAIS-TU ACTUELLEMENT EN BIRMANIE ?

Au sein de l’ambassade, je suis au service de coopération et d’action culturelle. On finance des projets de coopération avec des ONG ou des organisations de la société civile birmane, notamment sur la défense des droits humains.

POURQUOI SOUHAITAIS-TU REPARTIR A L’ETRANGER ?

Comme je l’ai dit, je suis déjà partie à Taiwan et c’était vraiment une expérience géniale. J’ai rencontré plein de nouvelles personnes et j’ai découvert une nouvelle culture. J’étais tellement emballée que j’avais envisagé de m’inscrire dans un master dans une fac taiwanaise. A la fin de mon service civique, j’ai eu cette même envie de voir de nouvelles cultures, dans un esprit d’éveil et d’ouverture. J’adorais ma vie à Paris mais j’avais envie de découvrir de nouvelles choses. Aussi, au vu de mes études et de mon projet pro, j’étais aussi attirée professionnellement à l’étranger par de supers opportunités. Ce VI était donc une super opportunité, autant sur le plan personnel que professionnel, d’autant plus que j’avais surtout très envie de repartir en Asie du Sud-Est.

POURQUOI LA BIRMANIE EN PARTICULIER ? SURTOUT EN SACHANT LA CRISE GLOBALE QUE RENCONTRE LE PAYS ?

Tout simplement car c’était une des rares offres de VI à ce moment-là. Mais c’est vrai qu’il a fallu prendre en compte le contexte très particulier de guerre civile, d’affrontements armés sur une grande partie du territoire. Je suis installée dans la ville de Rangoon où la situation est à peu près stable. Je ne m’y sens pas en insécurité. J’habite dans le quartier des expatriés et j’ai un peu l’impression d’être dans une bulle, d’être déconnectée par rapport à ce qui passe dans le reste du pays, même si au quotidien, par mon travail, je sors de cette bulle en étant en contact avec des personnes sur le terrain. En tant qu’agents de l’ambassade, on a une liste très restreinte des endroits où on a le droit. En tant qu’expatriés, on a aussi un salaire et un statut qui nous placent en décalage avec la population très pauvre. La pauvreté a explosé depuis le Covid et le coup d’Etat. Il y a vraiment une ambivalence permanente très bizarre à vivre au quotidien, entre ma vie qu’on pourrait qualifier de « normale » et les gens qui se battent tous les jours. Ce décalage est une des choses les plus difficiles à vivre au quotidien.

OUTRE LE DECALAGE, COMMENT EST LA VIE QUOTIDIENNE DANS CETTE BULLE ? QUAND EST-CE QUE TU TE RENDS LE PLUS COMPTE QUE TU N’ES PAS EN FRANCE ?

Encore une fois, nous sommes vraiment préservés dans notre bulle mais c’est vrai qu’il y a des petites particularités quand même. Par exemple les coupures de courant quotidiennes (entre 4h et 8h par jour) ou plus anecdotique, le fait qu’il y ait vraiment peu de produits occidentaux importés au supermarché, même de moins en moins au fur et à mesure que la situation se dégrade avec le Covid et le coup d’Etat. Il y a aussi l’état d’urgence qui a encore été prolongé dans tout le pays ainsi qu’un couvre-feu à minuit. A 22h, il n’y a plus personne dehors et tout est fermé donc c’est sûr qu’on a une vie sociale limitée. Le climat est surtout suspicieux et anxiogène, mais je ne peux pas dire que je n’étais pas au courant. J’ai été prévenue pendant les entretiens, et je l’ai accepté.

JUSTEMENT, CE CONTEXTE DIFFICILE TE PERMET-IL D’ENVISAGER DU LONG-TERME EN BIRMANIE ?

Dans tous les cas, mon VI est un contrat d’un an, prolongeable en 2 ans. Avant d’arriver, je disais déjà vouloir faire 2 ans et en arrivant ici, je me suis reposée la question car ce n’est quand même pas simple ici. Mais finalement, je compte toujours renouveler mon contrat car je pense que sinon, je serais frustrée de pas aller au bout de certains projets. La Birmanie est certes un pays difficile en ce moment mais je pense aussi que ça me permettra justement de faire d’autant plus valoir cette expérience pour la suite.